En 1980, après l’annulation prématurée de la série télévisée Gundam mais avant que les films ne soient produits, Yoshiyuki Tomino se lança dans un nouveau projet : Densetsu Kyojin Ideon, ou Space Runaway Ideon. Tout comme Gundam, le projet Ideon dépeint une histoire avec robots bien plus détaillée que ce que l’on pouvait trouver dans les classiques histoires comportant des gros robots à l’époque (intéressés par le sujet ? Je vous invite et encourage à lire l’article de Dino). Ambitieuse, peut-être plus que Gundam sur certains points, la série n’a pourtant pas connu le succès escompté et, encore et toujours comme Gundam, a été annulée prématurément en 1981, à 5 épisodes de sa fin.
Pourtant, en 1982, 2 films Ideon sortirent au cinéma. The Ideon: A Contact (ou Sesshoku-hen) est un résumé de la série télévision, alors que Be Invoked (ou Hatsudô-hen) offre aux spectateurs la conclusion à laquelle ils n’avaient pas eu droit précédemment.
Et elle vaut le coup.
Dans un futur lointain, les humains ont émigré sur d’autres planètes que la Terre, dont la planète Solo, sur laquelle sont pratiquées des fouilles archéologiques. Ils y trouvent un mystérieux robot géant, Ideon, ainsi qu’un énorme vaisseau spatial, qu’ils nomment le Solo Ship. Ils sont pour autant incapables de les faire bouger… jusqu’à ce qu’ils soient attaqués par des aliens, le Buff Clan. Cosmo Yuki, le héros, et plusieurs autres adolescents et enfants, se retrouvent à bord d’Ideon, à piloter dans pour leur survie, alors que les rares survivants de l’attaque des aliens sont rassemblés au sein du Solo Ship et fuient la planète, en compagnie de deux femmes aliens infiltrées. C’est le début d’une longue, longue fuite…
Les deux films Ideon sont des films lourds et cruels. Mettant en scène la guerre entre deux civilisations d’humains incapables de se comprendre, ils partent pourtant d’une situation telle qu’on a l’habitude d’en voir dans les animes : les héros trouvent un vaisseau spatial et un robot géant qui s’activent lors de l’attaque d’envahisseurs et se battent pour leur survie… sauf qu’ici les ennemis sont également humains, et que, même s’ils sont un peuple alien et ont attaqué les premiers (mais par erreur !), la guerre est aussi une tragédie pour eux.
C’est cette ambiance pesante que dépeint le premier film, A Contact, tout d’abord… de manière rapide. Très, rapide. En 1h24, en effet, Tomino tente de résumer une série de 39 épisodes ! Ne l’ayant pas vue, je ne peux pas vous dire à quel point il arrive à le faire… mais en revanche, je peux le dire : A Contact est un film qui se tient bien, sans trop d’incohérences ou d’absurdités de montage, pourvu que vous soyez capable d’y prêter l’attention qu’il nécessite, à savoir beaucoup ! Comme souvent lors de ce genre d’exercice, il faut pouvoir admettre qu’en cinq minutes, l’ennemi qui vient d’accepter avec déplaisir de donner un ou deux renseignements aux héros après avoir été capturé devienne un ami fidèle qui se sacrifie pour sauver ses camarades, et faire le lien (oui, du temps s’était écoulé) soi-même.
Durant ces 84 minutes de The Ideon: A Contact, une guerre monstrueuse nous est montrée. Point de manichéisme, les protagonistes de l’histoire comme les ennemis du Buff Clan se battent pour leur survie et sont tous de plus en plus marqués par les morts lors des combats. Dès le départ, Karala, une femme du Buff Clan, au départ infiltrée chez les héros, est amenée à vivre avec eux… mais elle est traitée de manière inhumaine, et une moitié de l’équipage du vaisseau ne souhaite que son exécution immédiate. Pas de doute, Ideon parle de la guerre avec une cruauté de tous les instants, retranscrite comme rarement à l’écran par des morts fréquentes et choquantes : dans le premier tiers du film, une prisonnière enfermée dans une cage (!) est exécutée par une civile en pleurs… Le film montre de plus en plus l’horreur de la guerre et la tension grandissante avec des aliens avec lesquels qu’ils ne parviennent pas, lors de leurs rares contacts, à trouver de terrain d’entente.
Les difficultés apparaissent aussi au sein de l’équipage du Solo Ship, abandonné de tous : n’ayant pas le droit de rentrer sur la planète Terre afin de ne pas permettre aux aliens de trouver sa position, ils sont condamnés à errer en les fuyant… et en faisant cela, ils deviennent une menace encore plus importante pour le Buff Clan. Le robot Ideon s’avère en effet être le réceptacle d’une conscience à la puissance infinie, l’Ide, qui se manifeste de plus en plus violemment… et devient plus un fardeau nécessaire pour les héros qu’une bénédiction. C’est sur une ahurissante démonstration de son pouvoir que s’achève A Contact, alors que le conflit arrive à un point de non-retour… et en tant que spectateur, on se rend bien compte que la situation n’a pas d’issue : les hommes du Solo Ship n’ont plus d’endroits où se réfugier (« Space Runaway » véritablement, ni la Terre, ni les colonies terriennes ne veulent d’eux), sont en possession d’une arme tellement puissante que leurs ennemis ne peuvent les laisser libres sans craindre pour leur survie, et ne peuvent évidemment pas se rendre.
La suite ? Le film Be Invoked… Et on peut dire que Tomino n’a pas lésiné sur les moyens pour le rendre encore plus impressionnant, plus cruel, et heureusement mieux posé qu’A Contact (fort logiquement, car il est composé de ce qui devait originellement être les 5 derniers épisodes de la série). Ce second film débute en effet en montrant le héros sympathiser avec une jeune demoiselle juste rencontrée… qui est, quelques secondes plus tard, sauvagement assassinée par une attaque du Buff Clan. Sa tête décapitée vole littéralement sous les yeux du pauvre Cosmo (!), qui hurle son désespoir alors que le titre s’affiche… On en est à deux minutes trente de film. Un autre personnage meurt dans les deux minutes trente suivantes qui servent également de générique. La suite est PIRE. Avant de voir ces films, je croyais que l’apogée de la folie tueuse de Tomino se situait pendant Victory Gundam. J’avais tort (et pourtant, n’en doutez pas, Victory n’est pas mal dans son genre). Adultes, enfants, les morts brutales et choquantes s’enchaînent sans aucun répit…
Be Invoked, après ces 5 premières minutes très rapides terminant le résumé des épisodes (et remettant le spectateur dans le bain) a un rythme bien mieux maîtrisé et est un final apocalyptique absolument brillant dans lequel tous les enjeux de la série sont résolus de manière… définitive. Un final marquant, choquant, et tellement, tellement cruel, et ce même si le film se termine sur une (toute petite) note positive…
Je sors véritablement abasourdi d’Ideon, œuvre qui mérite d’être découverte au moins autant que la (bien plus connue) trilogie de films Gundam, et tenterai possiblement plus tard ma chance avec la série, même si on me la présente comme plus monotone et inégale. Malheureusement, ni les films, ni la série Ideon ne sont sortis hors du Japon, et celle-ci n’ayant pas engendré de saga comme Gundam, elle est donc bien moins connue… mais a cependant eu droit à une sortie en blu-ray au Japon cette année (disponible pour la modique somme de 20 790 yens…), offrant en haute résolution le spectacle meurtrier de Tomino.
Ideon est définitivement une œuvre marquante que je vous conseille vivement de découvrir, non seulement pour ses qualités propres mais aussi parce qu’elle a influencé nombre de séries (faut-il vraiment citer Evangelion ?) jusqu’à aujourd’hui, la boucle étant probablement bouclée quand on voit l’idée du robot géant ayant sa propre volonté revenir dans… Gundam Unicorn, qui même s’il n’est pas réalisé ou scripté par Tomino, est le dernier opus de la saga se déroulant dans l’univers de l’Universal Century, univers dans lequel le grand chauve a commencé a narrer son histoire il y a bien des années.
Note : je ne voulais pas le mettre dans l’article parce que c’est un élément secondaire auquel je ne veux pas donner trop d’importance… mais pourquoi, pourquoi, le character designer Tomonori Kogawa a-t-il donné à Cosmo une AFRO ROUGE ?
Note 2 : Ideon est présent dans deux Super Robot Taisen. Dans Super Robot Taisen F Final, dans lequel, si Ideon recevait trop de dégats, il passait en berserk, résultant en un game over automatique pour le joueur. Dans Super Robot Taisen Alpha 3, une fin alternative « Ideon » est obtenable si certaines conditions sont remplies…
Note 3 : les événements d’Ideon et de Gundam sont en fait encore plus liés par un court manga de Yûichi Hasegawa (Crossbone Gundam), don’t l’histoire n’est pas canonique : Kidô Senshi vs. Densetsu Kyojin: Gyakushû no Gigantis.
Note 4 : dans une récente interview, Tomino dit avoir l’intention de réaliser un nouvel Ideon. Affaire à suivre ?
Note finale : 300 articles sur FFenril.info !
Je me souviendrai toujours de cette scène de Be Invoked, que j’ai été obligé de repasser plusieurs fois car je n’en croyais pas mes yeux ; je ne pouvais pas croire que Tomino venait de faire à cette gamine ce qu’il venait effectivement de faire à cette gamine.
Un des films d’animation les plus brillants des années 80, sans aucun doute.
Voilà un article comme je les aime, une nouvelle oeuvre à découvrir.
Je maintiens que V Gundam est le chef d’œuvre de Minagoroshi no Tomino. Contrairement à Ideon les morts y sont imprévisibles et souvent sadiques (je pense notamment à cette membre de l’Escadron Shrike tué dans sa MS alors qu’elle soutenait la structure du Mass Driver pour permettre à ses aliés de fuir et n’a pu ni se défendre ni fuir en face de la mort. Ho et puis épisode 36 quoi, L’ÉPISODE 36 !!!) et incroyablement réguliers, tous les 2-3 eps un personnage avec un nom y passera dans un des deux camps et ce jusqu’aux dernières minutes, no refuge. A coté de ça Ideon semble manquer de subtilité, surtout dans ces moments où un héros confesse son amour à une des fille du solo ship pour crever 10 mins plus tard ou quand un général du Buff Clan se dit qu’il est temps de rentrer chez lui auprès de son fils mais qu’il n’en aura pas la possibilité puisqu’il y passera avant la fin de l’épisode.
> Ideon s’avère (encore) plus puissant que prévu et se révèle
>peu à peu comme étant doté d’une conscience propre
Pas tout à fait. C’est l’Ide qui se manifeste par l’intermédiaire d’Ideon, mais Ideon en lui même est juste un GM couleur camion de pompier de 120m de haut. C’est là la différence significative qui a empêché Tomino de créer le Divine Robot avec plus de 10 ans d’avance sur Anno, le robot en lui même n’est pas le détenteur de cette puissance infinie, il n’est que l’instrument par laquelle elle se manifeste.
Justement, j’ai clairement eu l’impression d’avoir droit à un équivalent de l’épisode 36 niveau gratuité et incompréhension par moments…
Et effectivement, j’aurais dû mieux expliquer la différence entre l’Ide et Ideon, on va corriger un peu ça :)
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