ZZ Gundam, le successeur du très populaire et sombre Z Gundam, s’ouvre pendant sa première moitié par le générique Anime Janai, « Ce n’est pas un anime ».
Sur un fort sympathique montage, le générique raconte en gros cette histoire : Un jeune garçon a vu quelque chose d’incroyable, promis, il ne ment pas, mais les adultes ne le croient pas et lui disent qu’il regarde trop la TV. Sa réflexion à lui ? On ne peut pas tout voir par le prisme de la raison, et ce sont des vieux terriens qui ont oublié leurs rêves. En gros hein, mon niveau en japonais se limite à un certificat donné par la mairie de Paris, donc l’équivalent du JLPT7.
J’ai ouvert FFenril.info fin 2005, à 17 ans, fraichement devenu étudiant en école d’ingénieurs, après avoir fait un fansite « FFenril no Baka » qui parlait de Negima! et D.N.Angel. J’étais à l’époque plein de passion, d’enthousiasme et d’une certitude absolue d’avoir un bon goût parfait, et ce en ayant lu dans ma vie dix mangas, vu dix animes, et avec en gros une connaissance générale de la culture pop vraiment pas fofolle.
Ça a donné un site qui a trouvé quelques lecteurs et m’a fait faire plein de belles rencontres, permis de faire partie d’une communauté, de véritablement élargir mes horizons (quand j’ai vu Ken Akamatsu, auteur de Love Hina, raison pour laquelle je me suis pris d’une passion dévorante pour tout ça, c’est littéralement ce que je lui ai dit : « Grâce à vous, je me suis fait des amis »).
J’ai fait de mon possible pour partager ce que j’aimais, ce que je n’aimais pas, ce qu’il me semblait important de découvrir ou fuir…
Et puis, j’ai été rattrapé par plusieurs choses. Déjà, au fil des années, j’ai accordé de plus en plus d’importance à ce qui est devenu en 2010 mon activité professionnelle (développeur web), et la passion folle et l’envie de partager a été remplacée par d’autres priorités. J’ai également été rattrapé, au point d’avoir presque peur d’écrire, par cette courbe :
Parler d’un sujet sans en connaitre les classiques, c’est possible, mais la découverte progressive de tout ce que j’avais manqué m’a rendu peu à peu paralysé face à la perspective de partager mes avis. Puis-je vraiment parler d’animation japonaise sans avoir au moins écrit une thèse sur Evangelion, une autre sur l’évolution du sakuga de Yoshinori Kanada à nos jours et une troisième sur l’influence d’Osamu Tezuka sur le monde actuel du manga ? Puis-je vraiment apprécier l’œuvre de Koji Kumeta si je ne comprends pas les faits d’actualité japonais auxquels Sayonara Zetsubô Sensei fait référénce, et quelle est ma pertinence à parler d’Idolm@aster quand les idols réelles ne m’intéressent que peu ? J’ai le droit d’aimer Cowboy Bebop quand la moitié des érudits du web insistent que c’est surtout, vraiment, si si c’est sûr, une série qui parle du jazz, alors que je n’en ai rien à carrer de jazz ?
Ces choses, je les ai déjà exprimées en 2012, à une époque où j’avais l’espoir qu’en exposant ces craintes, l’envie d’écrire reviendrait, et que la peur d’écrire disparaitrait.
Ça n’a pas fonctionné longtemps. Le temps est passé, je n’écris plus, je partage moins, je m’intéresse moins.
Pour certaines choses ce n’est pas plus mal : J’ai arrêté de consommer des séries animées comme une espèce de boulimique de la culture, tentant désespérément d’enchainer cinq épisodes chaque jour pour pouvoir sortir un top des séries les plus marquantes de la saison du printemps après l’épisode 1, ou de voir toutes les séries Precure ou Gundam (coucou, on revient à toi et à tes consternants aztèques de l’espace, ZZ) le plus vite possible. J’ai certes découvert des chefs-d’œuvres de cette manière, mais j’aime aujourd’hui regarder moins de choses, moins vite, picorant plus doucement dans les classiques, ce qui est populaire actuellement, ou ce qui m’est recommandé. Bêtement, je consomme moins, tout court. La passion est changeante, et si en 2010 mon temps était réparti en 80% animanga, 20% jeu vidéo, ce pourcentage est en gros aujourd’hui inversé. Sans compter mes autres centres d’intérêt.
Pour d’autres choses, c’est assez terrible… Je me rends compte que j’ai véritablement perdu une grande partie de la capacité que j’avais à interagir sur internet. À ce que j’appellerais la « grande époque », j’avais FFenril.info (que j’insistais désespérément à appeler un « weblog », n’assumant pas du tout l’image associée aux skyblogs). J’idlais sur IRC où je perdais du temps à débattre de la qualité de Fate/stay night 2006 avec d’autres blogueurs. Je postais sur des forums. J’avais pour projets d’écrire des articles spéciaux pour Noël et de passer quatre heures à parler de Gundam sur un podcast. Depuis plusieurs années, mon activité principale sur internet a été de retweeter des jolis fanarts. Voilà, voilà.
Internet a beaucoup évolué, aussi. Les blogs, c’est passé de mode. Le format vidéo est roi sur le net, et j’ai pas mal eu l’impression d’être dépassé par la manière de communiquer aujourd’hui. J’ai grandi avec un internet où j’ai appris qu’il fallait surtout se cacher derrière un pseudonyme (tu savais pas, c’était peut-être un vieux moustachu nu sous son imperméable qui t’écrivait « ASV ? » sur un chat). Sur le net d’aujourd’hui il est plus normal de se montrer, pas forcément son nom complet mais au moins son visage, pour parler de différentes choses.
Ce sont des choses avec lesquelles je n’ai longtemps pas été à l’aise, voire ai méprisé. Parce que je ne voulais pas être un type qui allait voir des vidéos de réactions d’un youtuber, la bouche en cul de poule, qui m’expliquait dans sa vidéo au titre en caps lock POURQUOI CETTE SÉRIE EST INCROYABLE ET CETTE SCÈNE FANTASTIQUE.
Alors que dix ans plus tôt, j’avais fait exactement la même chose, mais en utilisant un média différent.
Je suis devenu le vieux terrien qui a oublié ses rêves.
Pourquoi ce laïus ? Déjà, il y a l’espoir qu’écrire tout ça m’aide à mettre mes idées au clair.
Ensuite, j’ai envie, ou peut-être besoin, d’y croire à nouveau.
J’ai eu trente ans en 2018 (et écrire cet article me donne l’impression que les rares cheveux subsistant sur le haut de mon crâne sont en train d’hurler à l’agonie tant je sens le temps qui passe dans mes mots), et je vis visiblement une espèce de petite crise de la trentaine, vraiment pas aidée par la petite pandémie mondiale qui fait l’actu en ce moment. Ça m’a donné envie de me relancer dans « autre chose » que la vie professionnelle qui fut plus ou moins la colonne vertébrale de mon projet de vie depuis dix ans.
J’ai beaucoup aimé ma vie professionnelle, qui fut très enrichissante (au propre et au figuré) la plupart de ces dix années. Et puis j’ai appris qu’en réalité, un travail, qu’il soit une passion ou pas, devenait toujours un travail. Les mauvais jours succèdent aux bons. La motivation vacille. Des choses extérieures commencent à influer. Dans mon cas, j’ai perdu la passion du technique. Pas bien grave, ça arrive, plein de gens font bien plus leur travail pour payer leurs factures que par amour de ce qu’ils font.
Mais ça aide à remettre les choses en perspective. Quand j’ai rencontré en dédicace Yoshiyuki Tomino, papa de Gundam, à Japan Expo, je lui ai fait part de mon admiration pour le fait qu’en plus de ses diverses casquettes (réalisateur, scénariste…), il avait écrit lui-même les paroles des chansons des génériques de plusieurs de ses œuvres. Sa réponse ? « Je le faisais moi-même parce que je trouvais les paroles qu’écrivaient les autres de piètre qualité… Mais du coup, c’est devenu un travail, et de fait, beaucoup moins intéressant à faire ». Wow. Je me vois il y a quelques années faire un scandale du fait que le réalisateur de Bokurano n’aimait pas le manga qu’il adaptait, et aujourd’hui je le comprends bien : C’était un travail parmi d’autres, voilà tout. J’adhère même à son avis sur le manga aujourd’hui…
Bref. Crise de la trentaine. Réalisation que je ne « vis pas de ma passion » (ou plutôt que ce n’en est plus une). Crise du COVID. Par chance, je dispose de beaucoup de temps libre. Et je veux essayer de le mettre un maximum à profit pour sortir de ma zone de confort, qui n’était de toute manière plus si confortable, et avoir de nouveaux projets.
J’essaie doucement de réduire la taille de mon identité, de moins penser de moi-même comme « quelqu’un qui ne fait pas / n’aime pas / ne peut pas apprendre X ou Y », d’envisager de faire des choses qui me semblait inimaginables (ou à garder pour ma retraite). J’ai commencé très progressivement ces dernières années. Été visiter et faire des concerts à Tokyo deux fois en 2019 (mon précédent, et seul, séjour au Japon, c’était 4 jours en 2016 pour voir un concert de Nana Mizuki). Commencé à apprendre à jouer de la guitare. Essayé d’écrire des nouvelles pour le NaNoWriMo.
J’ai également envie de me relancer dans des projets online, dont possiblement ce site, d’où cet article, mais peut-être aussi d’autres choses. Ces derniers jours j’ai commencé à streamer et regarder Twitch alors que jusqu’à peu je disais ne pas comprendre l’intérêt du streaming live en tant que média en général, et ne pensais pas que c’était quelque chose qui m’intéresserait. C’est vraiment fun. J’essaie de passer plus de temps sur Twitter, moins pour doomscroller et retweeter des fanarts, plus pour interagir positivement avec ce que je vois. J’écoute beaucoup de podcasts depuis une hospitalisation en 2017 (le ski c’est nul), et l’envie de tenter de produire un autre Skouetch-like pourrait être là (j’ai eu voulu monter un projet pour diffuser des anisongs et en parler il y a quelques années, mais je n’ai jamais réussi à comprendre comment m’en sortir avec les histoires de droits, malgré quelques échanges « funs » avec la SACEM). Peut-être écrirais-je sur des choses qui ne sont pas en rapport avec des productions japonaises ici. À l’occasion, il faudrait que je change ce design, que j’aime beaucoup mais qui date de 2008 et n’est absolument pas adapté pour mobiles.
Je pense me lancer dans de nouveaux projets, et je veux ensuite parler de ce que je fais. J’ai à peu près toujours eu cette étrange conviction (probablement pas aidé par un trop fort égo) que le marketing, la communication, l’auto-promotion étaient… presque « sales », et que le talent, le mérite, le fait d’avoir un peu travaillé ou réfléchi un sujet, ou je ne sais quoi encore devraient suffire à faire ce travail. Ça m’a joué des tours une ou deux fois. C’est bête. Je vais m’auto-célébrer quand je réussis à produire des choses, et sans aller sur du clickbait, trouver un titre pour un article parlant de Madoka Magica qui ne soit pas qu’un laconique « Madoka Magica », ça serait quand même pas mal. Et le tweeter, et retweeter, aussi.
Enfin, je voudrais tenter d’être un positif. D’apprécier ce que je vois. Me débarrasser d’une ironie vaguement edgy-insecure-smarter-and-holier-than-thou que je pense avoir eu. D’apprécier les gens qui tentent à leur manière de communiquer des choses, que ce soit les créateurs, ou les gens qui les apprécient, y réagissent, en parlent… Les communautés.
Cher lecteurs, si vous-êtes arrivés jusqu’à ce dernier paragraphe, merci d’avoir participé à mon auto-thérapie :) Je vais tenter de m’extirper de la gravité qui m’a écrasé, et à mon tour de (re)devenir un newtype, et tant pis pour le prisme de la raison. J’espère être bien lancé pour un nouveau voyage, un peu flippant, mais que je souhaite enthousiasmant. Si c’est bien le cas… merci d’être là !
oh putin une news !!
Une auto-thérapie que j’aurais pu écrire, à l’exception du passage sur twitch. (je ne comprendrais jamais la passion du stream) :D
Courage pour ton nouveau voyage entamé de la trentaine.
;)
[…] Parce que je suis revenu il y a presque deux mois et que j’ai pour l’instant l’intention de continuer ça un petit moment comme activité, le blogging. […]
[…] Depuis quelques mois, « je suis de retour ». Recherche de sens, tout ça, je ne vous refais pas tout le topo, l’article sur le sujet faisait très bien l’affaire. […]